21 janvier 2011

Poème : Ô carillon

Octave Crémazie, Le Drapeau de Carillon (1853, extraits)
Drapeau Carillon du Sacré-Cœur


« Ô Carillon, je te revois encore,
Non plus hélas ! comme en ces jours bénis
Où dans tes murs la trompette sonore
Pour te sauver nous avait réunis.
Je viens à toi, quand mon âme succombe
Et sent déjà son courage faiblir.
Oui, près de toi, venant chercher ma tombe,
Pour mon drapeau je viens ici mourir.

« Mes compagnons, d'une vaine espérance,
Berçant encor leurs cœurs toujours français,
Les yeux tournés du côté de la France,
Diront souvent : reviendront-ils jamais ?
L'illusion consolera leur vie ;
Moi, sans espoir, quand mes jours vont finir,
Et sans entendre une parole amie,
Pour mon drapeau je viens ici mourir.

« Cet étendard qu'au grand jour des batailles,
Noble Montcalm, tu plaças dans ma main,
Cet étendard qu'aux portes de Versailles,
Naguère, hélas! je déployais en vain,


Je le remets aux champs où de ta gloire
Vivra toujours l'immortel souvenir,
Et dans ma tombe emportant ta mémoire,
Pour mon drapeau je viens ici mourir.
« Qu'ils sont heureux ceux qui dans la mêlée
Près de Lévis moururent en soldats !
En expirant, leur âme consolée,
Voyait la gloire adoucir leur trépas.
Vous qui dormez dans votre froide bière,
Vous que j'implore à mon dernier soupir,
Réveillez-vous ! Apportant ma bannière,
Sur vos tombeaux, je viens ici mourir. »

À quelques jours de là, passant sur la colline,
À l'heure où le soldat à l'horizon s'incline,
Des paysans trouvaient un cadavre glacé,
Couvert d'un drapeau blanc. Dans sa dernière étreinte
Il pressait sur son cœur cette relique sainte,
Qui nous redit encore la gloire du passé.


SOURCE : John Hare, Anthologie de la poésie québécoise du XIXe siècle (1790-1890), Cahiers du Québec / Hurtubise HMH, 1979.

1 commentaire:

  1. Merci pour ce superbe poème, au linceul fleurdelisé.
    Du 21 Janvier au 16 Octobre, se fanèrent les deux plus beaux lys de France.

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